🇫🇷 L’incroyable quotidien d’un surveillant de la prison de CondĂ©-sur-Sarthe

Après une attaque terroriste en mars, suivi d’un mouvement de grève des surveillants, puis une prise en otage de deux gardiens par un détenu ce mois-ci, cet établissement ultrasécurisé fait régulièrement la une. Peu formés, en nombre insuffisant face à des prisonniers qui n’ont plus rien à perdre, les gardiens travaillent la peur au ventre, désespèrent et parfois s’effondrent. Tensions, insultes, violence extrême… Notre reporter a recueilli les confidences de l’un d’entre eux. 

Bernard* arpente les coursives des centres pénitentiaires depuis presque quatorze ans, dont six de Condé-sur-Sarthe. Cet ancien ouvrier, reconverti en surveillant de prison et devenu syndicaliste Ufap-Unsa, est un homme sensible, mais d’ordinaire solide et robuste. Pourtant, le 5 mars dernier, après l’agression de Yannick et d’Olivier par Michaël Chiolo – criminel de droit commun radicalisé en prison –, Bernard s’est senti « très mal » devant ses proches. « Je me suis effondré en larmes… C’est dur ! lâche-t-il. Les premières années, j’encourageais les jeunes à s’inscrire au concours. Désormais, je les en dissuade. » Il faut dire que, récemment, un collègue a failli se prendre dans la figure une plaque chauffée à blanc. Et que, pour distribuer les repas, les commis revêtent maintenant des casques de CRS et des combinaisons renforcées de 10 kilos !

Après plus de deux semaines de grève devant la prison, les syndicats ont accepté les mesures proposées par la direction : le réaménagement des locaux pour éviter les regroupements de prisonniers, la sécurisation des unités de vie familiales et le renforcement des effectifs, avec l’arrivée d’environ 25 gardiens. Des surveillants stagiaires sans expérience… qui font craindre un nouveau drame.

« Je vis dans la peur et l’inquiétude. Ce n’est plus les coups des prisonniers que je redoute, c’est la mort. Chaque matin, à 6 h 45, je pénètre dans cette structure bétonnée géante, grise et froide, sans savoir si je vais en ressortir vivant. Plus rien ne nous émeut, les agressions sont devenues tristement banales. Entre ces murs, nous accueillons les longues peines, enfermés parfois à perpétuité. Qu’ont-ils à craindre ? Qu’ont-ils à perdre à nous tuer ? Rien… Etre surveillant pénitentiaire, c’est prendre des claques dans la gueule tous les jours. Des gifles violentes, plus ou moins douloureuses. Certains d’entre nous déclarent forfait. Les autres prennent des coups. Serrent les dents. S’endurcissent au fil des mois. »Pour accéder aux parloirs, les visiteurs passent sous un portique qui ne détecte pas les explosifs, ni les armes blanches en céramique.

Mais ils sont de plus en plus rares… à accepter de se faire insulter, menacer, agresser pour 1 430 euros net par mois. Chaque année, l’administration pénitentiaire manque un peu plus de bras. Cinq sur vingt, c’est la note minimum pour être admis au concours de l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (Enap). C’est dire à quel point l’Etat peine à recruter… L’examen se présente sous la forme d’un questionnaire de culture générale, d’une épreuve sportive, d’un entretien oral et d’une évaluation psychiatrique. Seulement 20 % des inscrits (dont des candidats fichés pour radicalisation djihadiste que l’administration tente chaque année de déloger) se présentent aux examens, près de la moitié des admis intègrent l’Enap. Entrés en fonctions, 40 % d’entre eux démissionnent dès la première année. « A Condé-sur-Sarthe, les chiffres sont encore plus inquiétants. Personne ne veut travailler ici, 30 % des agents sont renouvelés chaque année. Effrayés par la violence, découragés par le système… » Lire la suite sur Paris-Match

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