Deux enquĂŞtes ont Ă©tĂ© ouvertes par la justice afin de dĂ©terminer les conditions de tournage d’un clip de rap en prison qui tourne sur les rĂ©seaux sociaux.
Il s’appelle Bibicraveur. Un rappeur grenoblois de seconde catĂ©gorie, qui pourrait toutefois signer le tube de la fin d’Ă©tĂ©. Au moins en prison.
C’est en effet Ă Aiton, centre pĂ©nitentiaire situĂ© non loin de ChambĂ©ry (Savoie), que Bibicraveur est incarcĂ©rĂ©. C’est lĂ aussi qu’il poursuit sa carrière musicale depuis sa cellule, et qu’il vient de tourner le clip de son dernier morceau, « Afrorate ». Sur Internet, la vidĂ©o flirte avec les 300 000 vues. Sur un rythme chaloupĂ©, on y voit une quinzaine de dĂ©tenus osciller en cadence, certains torse nu, d’autres visage dissimulĂ©, tous hilares. En bande-son, Bibicraveur enchaĂ®ne les rimes, parfois approximatives. « DĂ©jĂ tout petit, je bicravais (NDLR : dealais) mes Lego », scande le Grenoblois, qui avance avoir Ă©tĂ© condamnĂ© Ă une peine de plusieurs annĂ©es.
La prison, « on va tous en partir […], y a que les murs et les matons qui restent. » En attendant, le rappeur et ses codĂ©tenus semblent Ă l’aise dans leur univers. Les sĂ©quences s’enchaĂ®nent : prisonniers charpentĂ©s multipliant les pompes ou tractions, quand d’autres moins sportifs s’entraĂ®nent Ă la PlayStation ou roulent ce qui ressemble Ă s’y mĂ©prendre Ă des joints de cannabis.
« T’as l’impression qu’ils sont Ă la fĂŞte des voisins, sans pression », commente un internaute sur le site Actu pĂ©nitentiaire. C’est cette page, laquelle agrège comme son nom l’indique l’actualitĂ© du milieu carcĂ©ral, qui a repĂ©rĂ© la première la vidĂ©o mise en ligne ces derniers jours. « On me l’a envoyĂ©e, et j’ai vite identifiĂ© l’Ă©tablissement », raconte Olivier*, son administrateur.
« Malheureusement, je ne suis pas surpris, soupire un surveillant que nous avons pu joindre par ailleurs. On sait qu’il y a beaucoup de portables en prison. Mais ça n’en reste pas moins choquant et dĂ©plorable. Ça illustre le manque de moyens pour empĂŞcher certaines marchandises de rentrer dans les Ă©tablissements. »
Dès le clip connue, le procureur de la RĂ©publique d’Albertville a diligentĂ© une enquĂŞte, confiĂ©e Ă la gendarmerie. Dans le mĂŞme temps, des investigations internes seront conduites par l’administration pĂ©nitentiaire. « Elles viseront Ă identifier les dĂ©tenus prĂ©sents Ă l’image et leur responsabilitĂ©, indiquait hier soir un porte-parole. Ceux qui seront confondus seront traduits en commission de discipline. » Ils risqueront alors jusqu’Ă quatorze jours de placement en quartier disciplinaire. Quant aux Ă©ventuels possesseurs de tĂ©lĂ©phone qui se feraient prendre, ils encourent cette fois jusqu’Ă cinq ans de dĂ©tention supplĂ©mentaire.
« Allez, tape des mains, la section sera peut-ĂŞtre fouillĂ©e demain », fanfaronne en musique Bibicraveur. L’avenir proche devrait certainement lui donner raison. D’autant que le rappeur n’en Ă©tait pas Ă son coup d’essai. Depuis janvier, en atteste sa page Facebook, il avait diffusĂ© et revendiquĂ© plusieurs morceaux « clipĂ©s, enregistrĂ©s et montĂ©s en prison ».
* Le prénom a été changé.
Le Parisien
Pas d’injures, pas de violences, juste une crĂ©ation musicale plutĂ´t techniquement bien faite qui permet aux dĂ©tenus de passer un moment convivial dans un environnement habituellement très tendu. Faut-il que les dĂ©tenus soient en souffrance permanente pour assouvir l’ego des acteurs d’une justice dĂ©faillante et infĂ©odĂ©e au pouvoir politique, plus prompte Ă juger les faibles que les puissants? En fait, le problème de ce clip est qu’il ait Ă©tĂ© publiĂ© et visionnĂ© par des centaines de milliers de personnes et met donc en exergue la mĂ©diocritĂ© des magistrats et des directeurs d’Ă©tablissements pĂ©nitentiaires et leur incapacitĂ© collective Ă faire respecter les règles Ă©tablies.