« Hier, nous sommes partis Ă 5 h du matin de Lorient pour aller chercher un dĂ©tenu au centre de dĂ©tention de Rennes. De lĂ , on l’a amenĂ© au tribunal du Mans, 140 km plus loin, pour une prĂ©sentation au juge d’instruction. Nous avons ensuite refait les 140 km retour pour Rennes, puis encore 150 km jusqu’Ă Lorient. Au total, 600 km pour un entretien d’une demi-heure. »
Éric (*), la quarantaine, est l’un des quatorze surveillants actuellement affectĂ©s au PĂ´le de rattachement des escortes judiciaires (Prej) de Lorient. Son service est basĂ© dans un bâtiment, juste en face de la maison d’arrĂŞt de Ploemeur. Éric tĂ©moigne de difficultĂ©s chroniques, dĂ©jĂ Ă©voquĂ©es fin 2016, au bout de six mois d’exercice. D’un cĂ´tĂ© : des missions « alĂ©atoires, lointaines et de dernière minute ».
De l’autre : un nombre d’impossibilitĂ©s qui reste important (lire ci-dessous) et perturbe, en bout de chaĂ®ne, le bon fonctionnement de la justice. L’administration pĂ©nitentiaire a bien revu les effectifs Ă la hausse. Ă€ Lorient, quatre nouveaux agents ont Ă©tĂ© affectĂ©s au Prej, il y a deux mois. « Mais pour bien fonctionner, il nous en faudrait au moins le double ! », note Éric, dĂ©pitĂ©.
« Nous sommes tous des agents expĂ©rimentĂ©s et motivĂ©s. Issus de la dĂ©tention, nous nous sommes formĂ©s pour dĂ©marrer ce nouveau mĂ©tier, qui nous apporte beaucoup humainement. Sauf que c’est au prix de journĂ©es interminables. Moi, je prends des repos plutĂ´t que des heures supplĂ©mentaires. Mais certains collègues en sont Ă soixante-dix heures supplĂ©mentaires par mois ! Je n’ose mĂŞme pas imaginer le surcoĂ»t de tout cela. Humainement, cela devient difficilement tenable, autant pour nous que pour les personnes transportĂ©es. Ce ne sont pas des colis que nous avons dans nos vĂ©hicules ! Et n’oublions pas que nous sommes armĂ©s. Nous sommes un maillon important de la chaĂ®ne judiciaire. »
Dans un communiquĂ© rĂ©cent, le syndicat pĂ©nitentiaire des surveillants et surveillantes brigadiers a alertĂ©, de nouveau, sur « le ras-le-bol gĂ©nĂ©ral ». « Les moyens humains (1.650 agents dĂ©ployĂ©s par le ministère de la Justice d’ici Ă novembre 2019, via l’Arpej, l’autoritĂ© de rĂ©gulation et de programmation des extractions judiciaires) ont Ă©tĂ© totalement sous-Ă©valuĂ©s par l’administration pĂ©nitentiaire. Il n’est effectivement pas rare aujourd’hui de voir des agents de Lorient intervenir rĂ©gulièrement pour des extractions de dĂ©tenus, jusqu’au Mans, Nantes et Rennes.
Des journĂ©es de travail de douze heures et plus, une fatigue qui s’accumule, au dĂ©triment de la sĂ©curitĂ©. De trois personnes obligatoires au dĂ©but, les escortes sont passĂ©es Ă deux. La colère monte », insiste le dĂ©lĂ©guĂ©, FrĂ©dĂ©ric Bescon. « Il y a bien eu quelques amĂ©liorations. On ne peut, par exemple, plus aller, seuls, renforcer le Prej du Mans, termine Éric. Mais novembre n’a, encore une fois, pas Ă©tĂ© un bon mois. On nous met une pression Ă©norme, sans anticipation. C’est la course Ă l’armement. La justice n’en ressort pas grandie ».
* PrĂ©nom d’emprunt.
source: Le Télégramme