🇫🇷 Longuenesse: Un ancien détenu livre sa vision du quotidien en prison

Il aura passé près de deux ans au centre pénitentiaire de Longuenesse. La première fois, il y a une dizaine d’années, pour escroquerie. Puis en 2017, pour une peine plus courte. « Ça a changé du tout au tout. » Lors de sa seconde incarcération, il découvre un trafic « que je n’avais pas remarqué la première fois. Ça existait, mais pas à ce point. La première chose qu’on m’a demandée, c’est si je voulais un pouce ». L’ancien détenu désigne la taille de son doigt en souriant. « Un pouce c’est un téléphone de cette taille-là. Mais certaines personnes font rentrer des portables plus gros. »

Des anecdotes sur les trafics en prison, il en a à la pelle. Les permissions, durant lesquelles les détenus incitent ceux qui sortent à « faire rentrer des choses . Il y a un gars qui a réussi, dans une double semelle. Mais ce sont surtout les familles qui en ramènent ». À la sortie du parloir, c’est quitte ou double : la fouille n’est pas systématique. « On passe dans une salle. Là, il y a pas mal de trafic. Dès que quelqu’un est surveillé, il passe la marchandise à un autre. C’est comme ça que ça rentre. » Les produits sont variés : alcool, drogue, portable, « e t des cartes sim, ça, j’en ai vu, on m’a même demandé d’en faire rentrer ». Mais il refuse. « Si j’avais pris cinq ou six ans, je ne dis pas que je ne l’aurais pas fait, mais là… »

En prison, sa bonne conduite lui vaut d’obtenir un travail. « C’est à la tête du client. Moi, c’est arrivé très vite parce que j’avais déjà purgé une peine là-bas et que je m’étais bien tenu. » Dans la cour, il ramasse des colis projetés par-dessus le mur d’enceinte de la prison pour les remettre à l’administration. « Une fois on a trouvé une cinquantaine de gélules par terre. Ils les ont fait analyser, c’était de la cocaïne. » Deux fois par semaine, lors de la distribution des traitements, le trafic s’intensifie. « Les mecs font semblant de prendre leurs cachets, et ils les mettent dans leur poche. Après ils les échangent contre des clopes, du coca, un téléphone… » Des biens que les détenus « cachent partout, dans les néons, dans le bois des armoires. Ou alors ils se promènent avec, dans leurs sous-vêtements. »

L’ancien détenu soupire. À demi-mot, il dénonce les surveillants qui « ferment les yeux » sur ces trafics. « Il y a beaucoup de copinage avec les surveillants et les profs de sport. Ça se tutoie, et il y en a qui ne disent rien parce que ça leur ramène de la tranquillité. »
Du bout des doigts, l’ancien détenu feuillette le journal. Il désigne les photos du centre pénitentiaire. « Les cellules qu’on voit là sont propres, ce n’est pas vraiment comme ça. On ne voit pas réellement ce qui se passe en prison. On parle de cellule en maison d’arrêt où les détenus sont à trois, dont un sur un matelas. Pourquoi on ne les voit pas ? »

Il y a une dizaine d’années, lors de sa première incarcération, le détenu partage sa cellule avec deux autres personnes à la maison d’arrêt. Puis il rejoint le centre de détention. « Là-bas, il y a parfois des cellules qui restent vides un moment. Pourquoi on n’y envoie pas des détenus qui sont trois par cellule ? » L’homme sourit. « Ce n’est pas toujours facile de bien s’entendre quand on est plusieurs. Il y a ceux qui ronflent, ceux qui veulent écouter du rap, ceux qui veulent regarder la télévision… »

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