🇫🇷Aisne: Ces détenus qui finissent leur peine à la ferme

Une petite route escarpée mène à la ferme de Moyembrie, dans l’Aisne. En haut de la côte, le portail est grand ouvert. Ici, personne ne contrôle les allées et venues. Les arbres sont encore enveloppés de brume. Le silence est à peine troublé par le chant des oiseaux. Dans la cour, Alain (1) émerge de la chèvrerie, les bras chargés de paille. C’est lui qui veille sur les 60 chèvres de la ferme. Entre la traite, les nuits blanches pendant la période des naissances et les épizooties à juguler, la charge de travail est importante, mais ce n’est pas pour lui déplaire.
Cet ancien papetier n’avait jamais travaillé dans une chèvrerie. Il a découvert ce nouveau métier à la ferme de Moyembrie, où il purge la fin de sa peine de prison. Comme une vingtaine d’autres résidents (ici, le terme « détenu » est banni, comme toutes les références au monde carcéral), il a intégré l’équipe pour une période de huit à dix mois, le temps de préparer sa sortie. Employé à mi-temps, il réapprend doucement la vie à l’extérieur, au contact de la nature et des animaux. Un sas entre la prison et la vie libre.

« Beaucoup de détenus sont lâchés, à la fin de leur incarcération, avec juste un petit sac en plastique contenant leurs affaires. On ouvre la porte de la prison et ils se retrouvent sur le trottoir, sans famille ni lieu où aller », estime Éric de Villeroché, président de l’association Ferme de Moyembrie. L’accueil de détenus en fin de peine a démarré ici dans les années 1990, sous l’impulsion de Jacques Pluvinage, ingénieur agronome et visiteur de prison. Appelé au secours par un ancien détenu qui ne savait pas où aller après sa libération, il lui propose de rejoindre la ferme pour travailler au maraîchage. D’autres suivent…
L’administration pénitentiaire finit par s’intéresser à ce mode de réinsertion. En 2002, elle signe avec la Ferme de Moyembrie une convention encadrant l’accueil de personnes « sous main de justice ». Condamnés à des peines allant de dix à vingt ans, les résidents, sélectionnés sur la base du volontariat, quittent leur prison pour passer les derniers mois de leur détention à la ferme.
La croix